LE RÊVE ET LA RÉALITÉ
J’en ai marre du rêve : il est nuisible à mon bonheur et à mon équilibre. Comment ? Moi ! Poète et artiste, ne pas aimer le rêve ?! Cela s’oppose à ma fonction de poète. Non. J’ai aussi une fonction de philosophe. Parce que j’ai d’abord une fonction d’homme. Or quand on voit la réalité en face, sans filtre rose, édulcorant ou embellissant, on devient fatalement pessimiste. Et on n’a pas de temps à perdre avec le rêve : LE RÊVE EST UNE CHIMERE INDIGNE DE POURSUITE. LE RÊVE EST UNE PERTE DE TEMPS. UNE PERTE D’ENERGIE. C’EST DE LA POUDRE DE PERLIMPIMPIN. ARRIVE à L’ÂGE MÛR, je ne me mise plus que sur le réel. Fini les rêveries de petite fille. Je vois ce qui EST. Je CROIS ce que je VOIS, ce que j’ENTENDS et ce que JE TOUCHE. Les artistes sont des fuyards. Des lâches : ILS FUIENT LE
REEL. Dans les mots. Dans les sons. Dans les images. C’EST TRES HUMAIN. MAIS C’EST UN SIGNE DE FAIBLESSE.
Jadis j’étais Alice au Pays des Merveilles : une petite fille rêveuse qui divaguait dans son jardin. Agé, aujourd’hui, JE SUIS LA REINE ROUGE : J’ai coupé la tête à Alice et elle ne sourit plus. Je suis devenue AMER. CRUEL, DUR ET CYNIQUE. Oui, le cynisme est le parfum du désespoir et l’aveu à peine déguisé de son incapacité à être aimant. Tant pis : LE CYNISME EST CONFORTABLE. Je m’y installe comme dans un bon fauteuil en cuir. Et le Rêve ? Je l’ai atomisé à tout jamais. Comme je suis la Reine, les fleurs je les aime en ROUGE. Je les fais donc peindre en rouge par Alice, en ROUGE SANG, du SANG DE MA CRUAUTE GLACIALE…
Philippe David Assayah